" Bertrand Delanoë ce mercredi matin sur France Inter, alors qu’un auditeur lui exprime sa déception après l'annonce de son ralliement à Emmanuel Macron : «Je comprends qu’il puisse y avoir un malaise.» Non monsieur, ce n’est pas un malaise. C’est du dégoût.
À la vue de ces «socialistes», à qui l’on a fait confiance tant de
fois, fuyant lâchement vers celui qui leur promet une victoire possible,
quoique très hypothétique, j’éprouve le même dégoût que face à François
Fillon dimanche haranguant la foule de la manif pour tous sous la pluie
du Trocadéro.
Lâcheté d’un côté, obstination de l’autre, partout le même
aveuglement, partout le sentiment d’assister à une tragédie trop vite
écrite.
En entendant Bertrand Delanoë ce matin, j’ai pensé : Marine Le Pen a
déjà gagné. Cessons d’en faire une menace comme les adolescents se font
peur en regardant des films d’horreur. Ça n’est plus une menace, c’est
le réel qui est le nôtre, chaque jour un peu plus.
Elle a gagné car le discours qu’elle porte a contaminé l’ensemble de
la vie politique française. Elle a gagné car le seul candidat dont on
nous assure aujourd’hui qu’il pourrait la battre nous explique que la
gauche et la droite ne valent plus rien, qu’il faut «enjamber» les
partis.
Lorsque
les socialistes quittent le PS pour rejoindre En Marche, ils
soutiennent un projet de droite (qui ne dit pas tout à fait son nom), au
prétexte qu’il est le seul à pouvoir vaincre le FN. Ce n’est pas
seulement le libéralisme qui triomphe, c’est Marine Le Pen elle-même,
qui est donc à l’origine de tout ce qui se passe dans cette campagne.
Si l’on prend dès aujourd’hui conscience de ce triomphe, il n’y a
qu’une chose à faire: résister. Personne n’a jamais résisté en fuyant,
en faisant preuve de lâcheté, en décidant de suivre celui qui peut
gagner pour la seule raison qu’il puisse gagner. On ne peut résister
qu’en acceptant d’être en minorité, qu’en renforçant ses convictions les
plus profondes qu’en forçant le trait, au lieu de le gommer.
Messieurs les socialistes, vous qui rejoignez Emmanuel Macron et vous
qui allez le rejoindre, vous gommez toutes les convictions de gauche
que votre parti, que notre pays, ont mis des siècles à fonder, vous
reniez la justice sociale, le sens de la loyauté. Vous bradez la
fidélité sur l’autel de la majorité. Si les temps n’étaient pas si
graves, je dirais que c’est un crime électoral : vous salissez nos
votes. Pourtant, je voterai PS en avril, je soutiendrai celui qui a
encore le courage de se dire socialiste, et qui ne compte pas seulement
sur notre peur de Le Pen pour être élu. Au premier tour en tout cas, je
refuse de voter en tremblant pour le candidat en tête des sondages.
Non Monsieur Delanoë, ce n’est pas un malaise, c’est du dégoût de celui d’où naît parfois la résistance. "
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