vendredi 10 mai 2013

Ensemble, poursuivre le projet de l’Europe (*)

Ensemble, poursuivre le projet de l’Europe


(Dessin Alain Brillon)

Tribune Des responsables du PS français et du SPD allemand appellent à une réorientation du projet européen.

Le projet européen a besoin d’une réorientation. L’austérité tue l’Europe. Le chômage au plus haut depuis 1960 pèse lourd sur le destin d’une génération : il prive d’emploi un jeune sur quatre, un sur deux en Grèce ou en Espagne. Quand la vie quotidienne devient précaire, les peuples se détournent de l’Europe. A ces angoisses, la solidarité et la démocratie sont les seules réponses. Dans la tourmente, nous savons l’importance d’une parole commune. L’Allemagne n’est pas le mal européen. Le mal européen, c’est l’alliance néolibérale et conservatrice majoritaire incapable de changer de cap, et de reconnaître que «l’austérité sans fin» dénoncée par François Hollande enferme dans une impasse. Aujourd’hui, Angela Merkel et David Cameron symbolisent cette politique. L’élection de 2012 a modifié la donne en France, et permis d’espérer une réorientation en Europe. L’Allemagne aura sa chance aux élections en septembre.
Si l’emploi devient réellement la première priorité de l’Europe, l’urgence est à la stimulation de la demande pour atteindre le potentiel de production. Nous nous rejoignons sur le retour progressif à l’équilibre budgétaire pour financer durablement des services publics efficaces. Mais dans une crise aussi sévère, sacrifier les dépenses publiques et privées condamne toute reprise et précipite la zone euro dans un cercle vicieux qu’elle paie déjà au prix fort. C’est pourquoi le calendrier de retour à l’équilibre doit être adapté au cycle économique.
Les réformes structurelles, nécessaires, ne sont pas celles qu’imposent les néolibéraux. Nous le disons ensemble, la reconquête de la compétitivité passe par un nouveau modèle européen, doté d’une fiscalité harmonisée. Seule l’amélioration qualitative de l’appareil productif européen permettra la transition vers un modèle social et écologique durable.
Dans cette nouvelle vague d’investissements réside l’essentiel : dans l’innovation, l’éducation des jeunes, la formation des adultes, l’enseignement supérieur ; dans la recherche, les infrastructures vertes de la transition écologique et les réseaux numériques ; dans la diversification des sources de production via les énergies nouvelles, la réduction de nos consommations et les nouvelles technologies de stockage d’énergies intermittentes. Les PME, le «Mittelstand» en Allemagne, doivent y prendre une grande place. Ces chantiers regorgent de défis pour faire de l’Europe le modèle de l’industrie durable et renouvelée du XXIe siècle.
Le culte du «chacun pour soi» aggravera le dumping social et fiscal et conduira à l’agonie du projet européen ! A l’action commune exigeante, se substitueront le retour des affrontements entre les Etats, la concurrence entre les salariés et les territoires, l’abaissement des standards sociaux, la prédation des ressources et de la biodiversité. Dans l’Europe moderne, la coopération et la solidarité doivent prévaloir : sans elles, les Européens seront les déclassés de la mondialisation. Financer ces chantiers d’avenir par un budget européen digne de ce nom, fondé sur des ressources propres, c’est agir pour le bien commun et l’intérêt national. Il est encore temps.
Lors du 50e anniversaire du traité de l’Elysée, les Parlements allemands et français déclarèrent : «La coopération franco-allemande est devenue aujourd’hui un socle naturel et fiable du processus d’intégration européen. Le rapprochement […] doit inciter à dépasser les égoïsmes nationaux.» Certains y voient une pieuse nostalgie ou des paroles creuses. Nous en faisons un engagement d’une exceptionnelle gravité.
La longue histoire commune du socialisme démocratique en France et en Allemagne se prolonge par la volonté d’une nouvelle stratégie économique pour l’Europe, et d’une action concertée entre nos groupes parlementaires. Ainsi, nous exigeons une vraie union bancaire pour stopper la spéculation financière. Déjà en 2011, le SPD au Bundestag et le PS à l’Assemblée nationale soumirent simultanément une proposition de loi sur la taxation des transactions financières : elle devient réalité cette année. Gouverner en Europe est une affaire qui dépasse les frontières pour se rallier à la force des idées.
Pour aller plus loin, soyons réalistes. Les institutions européennes fonctionnent mal. L’Europe ne peut se gouverner avec la Troïka (FMI, BCE et Commission européenne). L’Europe manque d’un gouvernement économique que les socialistes réclament depuis longtemps. Elle souffre surtout d’un terrible déficit démocratique dont les citoyens payent le prix fort. Les conservateurs privilégient l’Etat-nation pour diviser les peuples au profit de leurs intérêts particuliers. Le vrai levier du futur devient l’exercice du pouvoir par les citoyens européens. Les élections européennes de 2014 leur permettront pour la première fois de désigner le président de la Commission. Elevons le débat, grâce aux mots de Joachim Gauck, le président allemand : « Continuons d’œuvrer ensemble à la res publica européenne.» Face à la montée en puissance du ressentiment européen et aux erreurs répétées du bloc libéral-conservateur, les sociaux-démocrates et les socialistes, en Allemagne, en France et tous les citoyens bien au-delà, doivent se rassembler pour redonner à l’Europe son grand projet : la solidarité et la démocratie.

(1) Pour le SPD : Stefan Collignon, professeur d’économie politique Evelyne Gebhardt, Jutta Steinruck, députées européennes, Axel Schäfer Vice-président du groupe SPD au Bundestag, Angelika Schwall-Düren, ministre des Affaires européennes du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie. Pour le PS : Pervenche Berès, députée européenne, Christian Paul, Daniel Goldberg, Dominique Potier, députés, Laurence Rossignol, sénatrice.

 (*) Tribune publiée le 7 mai 2013 dans Libération

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